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Prélèvements sociaux des non-résidents en France

Jérémy Gackiere - Senior Estate Planner – Segment belgo-français
Immobilier en France : nouveau rebondissement dans l’affaire des prélèvements sociaux acquittés par les contribuables non-résidents commenté par notre expert en Estate Planning.

Rappel de l’affaire de Ruyter pour les non-résidents


Tous les non-résidents propriétaires de biens immobiliers situés en France ont à l’esprit la fameuse jurisprudence de Ruyter1 qui leur a probablement permis d’obtenir le remboursement de prélèvements sociaux2. En effet, depuis une modification législative du 16 août 20123, les non-résidents sont assujettis en France aux prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine imposables en France, c’est-à-dire, sur leurs revenus immobiliers et plus-values immobilières de source française.

Or, un règlement européen4 visant à coordonner les systèmes de sécurité sociale en Europe, a consacré deux principes essentiels :
  • Primo, un résident d’un Etat ne peut être affilié qu’à un seul régime de sécurité sociale
  • Secundo, un résident ne peut contribuer directement au financement d’un système de sécurité sociale d’un Etat s’il n’en tire pas profit.
Ce sont les principes d’unicité de législation sociale.

Méconnaissant ce règlement, le législateur français avait affecté directement les prélèvements sociaux au financement de la Sécurité sociale jusqu’au 31 décembre 2015. C’est ainsi que, suite à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)5, la France a dû procéder au remboursement de milliers de demandes contentieuses introduites par des personnes non-résidentes, voire même résidentes de France. Ces remboursements étaient subordonnés à la stricte condition que les contribuables n’étaient pas affiliés au régime de sécurité sociale français mais à un régime de sécurité sociale de l’Union européenne (UE) ou de l’Espace économique européen (EEE) ainsi que la Suisse.

Toutefois, ne souhaitant pas se priver d’une telle manne financière, le gouvernement français a voulu contourner le règlement européen et la jurisprudence désormais bien établie en la matière, en modifiant l’affectation des prélèvements sociaux qui servaient directement au financement des branches générales de la sécurité sociale, par une loi du 21 décembre 20156.
Depuis lors, ces cotisations sont toujours dues par les résidents européens non-affiliés mais sont affectées au financement de prestations non contributives à savoir, la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), au fonds de solidarité vieillesse (FSV) et à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

De nouvelles opportunités ?

En 20167, un contribuable résident fiscal français affilié au régime de la sécurité sociale suisse, a introduit une demande de remboursement de ces prélèvements sociaux en évoquant le
principe d’unicité des législations sociales consacré par ledit règlement.

L’administration fiscale française a refusé sa demande de remboursement mais le tribunal administratif de Strasbourg y a fait droit en le déchargeant totalement des prélèvements sociaux. Cette décision a été confirmée partiellement par la Cour administrative d’appel de Nancy qui a prononcé le remboursement des prélèvements sociaux8 affectés à la CADES au FSV mais a saisi la CJUE d’une question préjudicielle pour les cotisations affectées au financement de la CNSA (qui ne représentent que 1,45 % sur 15,50 %).

En effet, la Cour administrative d’appel de Nancy a considéré que ces premières étaient affectées de manière spécifique et directe au financement de la sécurité sociale française et par conséquent, entraient dans le champ d’application dudit règlement.

Que faire ?

Les contribuables affiliés à un régime de sécurité sociale de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse peuvent espérer obtenir un remboursement partiel des prélèvements sociaux acquittés sur les revenus immobiliers perçus depuis le 1er janvier 2015 et sur les plus-values immobilières réalisées depuis le 1er janvier 2016.

Toutefois, il y a fort à parier que l’administration fiscale française portera le contentieux devant le Conseil d’Etat et par conséquent, rejettera toutes demandes de remboursement tant que la haute juridiction ne se sera prononcée.

Les contribuables ont donc le choix d’introduire une demande dès à présent ou d’attendre que le Conseil d’Etat se prononce tout en veillant aux délais de prescription, soit le 31 décembre de la 3e année suivant la perception des revenus immobiliers et le 31 décembre de la seconde année suivant le paiement des prélèvements sociaux en matière de plus-value immobilière.

En d’autres termes, une demande doit être introduite avant le 31 décembre 2018 pour les revenus immobiliers perçus en 2015 et pour les plus-values réalisées en 2016.
1 Arrêt de la CJUE (C-623/13) du 26 février 2015 suivi par le Conseil d’Etat français du 27 juillet 2015 n°334551.
2 Les prélèvements sociaux s’élevaient à 15,5% de 2012 à 2017. Depuis le 1er janvier 2018, le taux est de 17,2%.
3 Loi n°2012-958.
4 Règlement CE 883/2004 et CEE n°1408/71.
5 CJUE 26/02/2015 Ministre de l’économie et des finances contre Gérard de Ruyter (C-623/13).
6 Loi n°2015-1702 du 21/12/2015 de financement de la sécurité sociale.
7 Demande contentieuse datée du 26 octobre 2016 et rejetée par l’administration le 6 décembre 2016.
8 Il s’agit de la CSG (8,2%), CRDS (0,5%), prélèvement social (3,35%) et du prélèvement de solidarité (2%).
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