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Revenus societe civile immobiliere francaise

Revenus d’une société civile immobilière française : double imposition pour les résidents belges

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En septembre 2016, la Cour de Cassation a pris une décision importante qui concerne les personnes physiques résidant en Belgique. Désormais, les revenus d'une société civile immobilière française seront soumis à une double imposition : au titre de revenus fonciers en France et au titre de dividende en Belgique. Décryptage par nos experts en Wealth Structuring.

La problematique

  • En France, les sociétés civiles immobilières (« SCI ») disposent de la personnalité juridique et sont en principe soumises à l’impôt sur le revenu selon le régime de la « translucidité ».
  • Or, en Belgique le régime de la « translucidité » des SCI n’existe pas. Dès lors, comment de tels revenus sont-ils appréhendés sur le plan fiscal lorsqu’ils sont distribués à un associé personne physique résident en Belgique ?
  • Après de nombreuses hésitations, la Cour de Cassation a finalement statué en considérant que les bénéfices d'une SCI française ne constituent pas des "revenus immobiliers" relevant du régime des impôts fonciers, mais sont assujettis au précompte mobilier belge sur les dividendes.
  • Cela entraîne donc une double imposition, puisque les revenus sont imposés en France dans la catégorie des revenus fonciers, et une seconde fois en Belgique en tant que dividende.

Double imposition. Une incertitude juridique.

En France, les sociétés civiles immobilières (ci-après dénommées « SCI ») disposent de la personnalité juridique et sont en principe soumises à l’impôt sur le revenu selon le régime de la « translucidité ». Le résultat réalisé par une SCI est déterminé au niveau de la société. Ce sont les associés qui déclarent les revenus dégagés par la société au niveau de leur déclaration de revenus personnelle. Dans l’hypothèse où la SCI loue des biens non meublés, les revenus sont qualifiés de revenus fonciers et sont ainsi soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu (tranche marginale d’imposition la plus élevée s’élève à 45%) et aux prélèvements sociaux (taux d’imposition unique de 15,5%). Ce régime d’imposition français s’applique à tous les associés personnes physiques, quel que soit leur lieu de résidence fiscale.
En Belgique le régime de la « translucidité » des SCI n’existe pas. Il faut alors analyser la manière dont de tels revenus sont appréhendés sur le plan fiscal lorsqu’ils sont distribués à un associé personne physique résident en Belgique.
La position de l’administration belge a toujours été de refuser de reconnaître le régime de translucidité à une SCI française. Selon l’administration, puisque la SCI dispose de la personnalité morale en droit français (même si elle est « translucide » fiscalement en France), les revenus qu’elle attribue à ses associés doivent être qualifiés de « dividendes ». Cette analyse a pour conséquence d’entraîner une double imposition puisque les revenus sont imposés en France dans la catégorie des revenus fonciers, et une seconde fois en Belgique en tant que dividende.
En 1974, dans l’arrêt Prince de Ligne[1], la Cour d’appel de Bruxelles avait validé l’analyse de l’administration fiscale belge en considérant que la personnalité fiscale des SCI devait être reconnue sur le plan fiscal en Belgique, ce qui avait pour effet d’imposer ces revenus en Belgique comme des « dividendes ».
En 2004, la Cour de cassation belge a fait évoluer sa position[2] en considérant que les dividendes distribués par des SCI translucides en France sont des « revenus immobiliers » exclusivement taxables en France, conformément à l’article 3 de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964, et exonérés en Belgique par l’article 19 de la même convention.
En 2005, le Ministre des finances belge a à son tour statué en retenant que les revenus précités devaient bien être imposés en Belgique en tant que dividendes.
A ce jour, il existe une incertitude en Belgique sur le traitement fiscal des revenus de SCI par des associés personnes physiques résidents fiscaux belges. Cela est préjudiciable car cette différence d’analyse crée un risque de double imposition : au titre de revenus fonciers en France et au titre de dividendes en Belgique.

La cour de cassation tranche

La Cour de cassation belge s'est prononcée sur ce problème en validant la thèse défendue par l’administration fiscale depuis de nombreuses années. La Cour est revenue sur sa position antérieure. La Cour a en effet considéré que les bénéfices d’une SCI française soumise à l’impôt sur le revenu, pour l’application de la convention fiscale franco-belge tendant à éviter les doubles impositions, ne constituent pas des « revenus immobiliers » relevant du régime des impôts fonciers.
En conséquence, les articles 3 et 19 de la convention préventive de double imposition franco-belge ne s’appliquent pas à l’égard des dividendes distribués par une SCI translucide de droit français.
Si le traitement fiscal des bénéfices de ces sociétés par les associés résidents fiscaux belges n’a pas été précisé à ce stade, il est probable que les revenus des associés résidents belges soient alors traités comme des dividendes imposables en Belgique si ces derniers sont appréhendés par l’associé.
Dans cette logique, en Belgique, il ne devrait pas y avoir d’imposition si l’associé n’appréhende pas les bénéfices en les mettant en réserve.
Cette décision confirme l’analyse de l’administration fiscale belge qui considère que la quote-part du résultat d’une SCI française appréhendée par un associé personne physique résident en Belgique doit être assujettie au précompte mobilier belge sur les dividendes (27% aujourd’hui et 30% à partir du 1er janvier 2017). Ce précompte se calcule sur la part de résultat revenant à l’associé diminué de l’impôt acquitté en France. Cela entraîne donc une double imposition puisque le résultat réalisé par la SCI a déjà été imposé en France au barème progressif de l’impôt sur le revenu majoré des prélèvements sociaux dans le chef des personnes physiques en proportion de leur participation au capital.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Bertrand Marot, Directeur Wealth Management.
[1] Bruxelles, 4 juin 1974
[2] Cour de cassation, 2 décembre 2004
[3] Cour de cassation, 29 septembre 2016, F.14.0006.F
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