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Les enjeux de la migration

L'impact économique des migrations internationales

Ophélie Mortier - Responsible Investment Strategist
Crise de l’immigration en Europe, qu’en-est-il réellement ? François Gemenne, professeur à Sciences Po Paris et à l’ULB, expert en géopolitiques et flux migratoires, est venu faire le point lors d’un évènement organisé chez Banque Degroof Petercam afin de sensibiliser nos collaborateurs aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Trois questions sur la crise de l’immigration en Europe

  • Qu’entend-on par migration ?

    Immigrations, étrangers, réfugiés, etc. les différences de définition et de méthode de recensement de la population peuvent varier d’un pays à l’autre. L’utilisation du terme de « crise » s’explique par l’explosion du nombre de demandeurs d’asile en 2015 dans les pays de l’OECD. Soit près de 1,65 million de nouvelles demandes dont 25 % sont Syriens et 16 % Afghans. Cependant, à l’échelle de la population totale, pour la même année, près de 3,3 % de celle-ci vivait hors de son pays de naissance et représentait 245 millions d’immigrants. Les réfugiés représentaient moins de 10 % de ce total.
  • Quel impact économique ?

    Celui-ci est particulièrement complexe à mesurer car il demande de définir le coût de la politique d’immigration, la période relative au temps de calcul, l’apport de main d’œuvre et l’augmentation de la consommation par la présence des immigrés. Cependant, deux impacts sont souvent méconnus.

    Tout d’abord, l’importance pour les pays d’origine de l’immigration des revenus envoyés aux familles et aux proches. En effet, pour certaines économies comme le Maroc, les revenus rapatriés au pays sous la forme de versements aux familles, etc. peuvent représenter une contribution importante du PIB du pays, parfois plus du triple de l’aide reçue au développement. Cette ressource clé détermine la politique d’immigration et d’autres politiques liées comme celles du droit de vote aux immigrants, etc.

    Ensuite, la surveillance des frontières externes à l’UE a coûté près de 15 milliards d’euros depuis 2000. Les migrants eux-mêmes dépensent près de 13 milliards d’euros pour les franchir. Il s’agit donc de 28 milliards d’euros perdus dans la protection et simultanément la violation de frontières.
  • Quel enjeu pour la durabilité d’un pays?

    Face à une population en déclin et un ratio de dépendance en hausse, l’immigration peut être une solution au vieillissement de nos populations.
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La Hongrie est un bon exemple. Alors que le pays forme des gardiens de frontière avec la Serbie, près de 60 % des entreprises déclarent éprouver des difficultés à recruter de la main-d’œuvre face à une population en déclin et un taux de dépendance sur la population active de près de 47 %.
Cependant, ceci peut être considéré en tant que solution souvent à court et moyen terme. Car, si l’immigration représente une hausse de la main-d’œuvre et une hausse du nombre de consommateurs, les taux de fertilité ont tendance à baisser rapidement et s’aligner sur la moyenne nationale dès la deuxième génération d’immigration.
La meilleure réponse : l'ouverture d'esprit

Les mouvements migratoires sont appelés à augmenter suite aux inégalités croissantes et au changement climatique. Face au fossé croissant entre la perception de la migration et son impact réel, il et important de s’interroger sur l’ouverture d’un pays face à l’immigration et la capacité de ce dernier à intégrer les nouveaux entrants. L’octroi des statuts d’asile, l’intégration des immigrants dans le marché de l’emploi, la dépendance vis-à-vis des revenus rapatriés sont différents indicateurs permettant de mesurer l’impact éventuel sous différents angles.
Alors que la chute du mur de Berlin en 1989 avait conduit à une philosophie de « plus jamais de mur », une quarantaine a été – ou est en cours – érigé à travers le monde, que ce soit entre les Etats-Unis et le Mexique, mais également entre la Serbie et la Hongrie, la Finlande et la Russie ou encore entre l’Inde et le Bangladesh. L’ouverture d’esprit face à la question – à l’opposé d’un repli sur son identité nationale – reste probablement la meilleure réponse à apporter.
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