Le raisonnement de la rapporteure publique validé par la Haute juridiction française – surprenant à plus d’un titre – confirme une interprétation émise par l’Administration française dès 1966 mais jamais reconnue depuis.
Nous vous proposons de parcourir cet arrêt pour vous en expliquer les tenants et les aboutissants.
Une controverse existait néanmoins, compte tenu de la position exprimée par l’administration fiscale française.
La position de l’administration fiscale française
Il est vrai que cette dernière a une interprétation large de la notion de bien immobilier dans un contexte franco-belge. En effet, dans une instruction administrative2 commentant les stipulations conventionnelles, l’Administration considère que le paragraphe 2 du protocole annexé à ladite Convention n’a pas un caractère limitatif.
Par conséquent , ce protocole aurait vocation à s’appliquer non pas uniquement aux sociétés régies par les dispositions de l’article 1655 ter du CGI mais à toute société, de droit français ou étranger, constituées principalement par des terrains à bâtir ou des biens assimilés situés en France ou dont le patrimoine est composé essentiellement par des immeubles autres que des terrains à usage agricole ou forestier. En résumé, à toutes parts de société à prépondérance immobilière française. C’est-à-dire, composées à plus de 50 % d’actifs immobiliers situés en France.
Une position confirmée par le Conseil d’Etat en France
ette interprétation extensive a récemment été contestée devant le Conseil d’Etat français3 par un contribuable résident fiscal belge dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir. Toutefois, la plus haute juridiction administrative française a, suivant les conclusions de la rapporteure publique, validé l’interprétation de l’administration fiscale française.
De surcroit, le Conseil d’Etat affirme qu’il convient de se référer aux lois de l’Etat contractant où se situe le bien pour déterminer la notion de bien immobilier. Or, en droit interne français, les parts de sociétés translucides fiscalement et composées principalement d’actifs immobiliers doivent être appréhendées comme des biens immobiliers notamment pour le régime applicable en matière de plus-value immobilière.
Une position contestable
Cet arrêt inédit et peu motivé juridiquement, nous semble regrettable à double titre.
Primo, il crée une rupture avec une jurisprudence de la Cour de cassation4 reconnaissant la nature mobilière des parts de société à prépondérance immobilière au regard d’une convention préventive de double imposition.
Secundo, il convient de préciser que la France s’est liée à un certains nombres d’Etats par le biais de conventions fiscales dont les stipulations visent expressément les parts de société à prépondérance immobilière. Tel est le cas par exemple, de la convention franco-américaine ou encore de la nouvelle convention franco-luxembourgeoise. Par conséquent, cette dichotomie conventionnelle jusqu’alors respectée par la France, semble désormais bafouée.
Il est d’autant plus regrettable que le Conseil d’Etat français ait confirmé cette interprétation extensive de l’administration fiscale française dans un contexte de renégociation du Traité fiscal liant la France à la Belgique, dont on sait que la prépondérance immobilière sera l’un des sujets majeurs pour l’Etat français.
Bien qu’en pratique les transactions immobilières portent plus aisément sur les biens immobiliers directement que sur les parts de société les détenant, la cession des parts de sociétés constituait une alternative aux situations de double imposition que subissent les résidents belges suite au revirement de la Cour de cassation belge.