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Donald Trump et Elon Musk, le CEO de Tesla, même combat ?

Jérôme van der Bruggen - Chief Investment Officer
Tout en restant volatile, l’action Tesla a connu depuis quelques semaines des hausses de son cours qui tranchent avec les avis et commentaires négatifs des investisseurs de l’an dernier. Pourquoi ce revirement d’humeur de la Bourse à l’égard de Tesla et de son fondateur, Elon Musk ? Et quelles sont les leçons à en retirer pour le marché de la voiture électrique, pour le financement des sociétés cotées ou la disparition des intermédiaires ? Voilà quelques-unes des questions posées à Jérôme van der Bruggen, responsable de la stratégie d’investissement de Degroof Petercam.
Question : Avant d’évoquer le parcours boursier de l’action Tesla, ne peut-on pas s’arrêter quelques instants sur la personnalité hors norme de son fondateur Elon Musk ?
Jérôme van der Bruggen : Les deux sont liés. Elon Musk fait partie de ces patrons emblématiques comme seuls les Etats-Unis arrivent en fabriquer. Et quand je dis Etats-Unis, je devrais plutôt dire la Silicon Valley. Les autres stars de cette nouvelle économie sont connues : Bill Gates, Jeff Bezos ou encore Steve Jobs. Mais avec Elon Musk, la Silicon Valley a produit un nouveau genre d’entrepreneur : quelqu’un qui vient secouer une industrie lourde, à savoir le secteur automobile. Pour une fois, le fondateur et CEO d’une grande marque automobile ne vient pas de Detroit ni de Stuttgart mais bien de la Silicon Valley. Et à l’instar de Steve Jobs avec son ordinateur Macintosh, la première Tesla est littéralement sortie d’un garage. Le mythe est donc fort. Très fort.
Question : Tesla, c’est la voiture électrique par excellence. Parlons de ce secteur qui a le vent en poupe mais qui a du mal à trouver ses consommateurs…
Jérôme van der Bruggen : La part de marché des voitures électriques reste encore modeste, de l’ordre de 2% au niveau mondial avec 2 millions de voitures vendues par an. A en croire les experts du secteur automobile, cette part électrique est censée dépasser celle du secteur automobile traditionnel entre 2030 et 2050. Je rappelle que Tesla ne vend que 367.000 voitures par an, c’est donc à peine 0.5% de la production mondiale ! Mais si le cours de bourse de Tesla a profité d’un regain d’intérêt ces dernières semaines, c’est sans doute parce que Tesla est devenu en quelque sorte le porte-drapeau de l’industrie automobile électrique. Or, Tesla affiche une croissance de sa production de 50% alors que la production mondiale est en baisse, notamment en raison des difficultés liées au marché chinois.
Question : D’accord avec votre analyse, mais l’action Tesla reste malgré tout assez risquée. Il y a la personnalité fantasque de son CEO mais aussi les multiples déboires techniques et de production enregistrés l’an dernier.
Jérôme van der Bruggen : Vous avez raison, l’action Tesla n’est pas destinée aux personnes cardiaques. Sa volatilité peut effrayer à juste titre de nombreux investisseurs. L’action Tesla a un moment atteint les 1000 dollars pour retomber le lendemain à 700 dollars. Pareille variation sur un laps de temps aussi court est bien la démonstration de profil de risque élevé. Pour rappel, Tesla est mieux valorisée que Volkswagen en Bourse, alors qu’elle produit 30 fois moins de voitures que le constructeur allemand ! Et je n’évoque même pas sa situation financière délicate avec un endettement appréciable. L’industrie lourde n’est pas nommée ainsi par hasard.
Question : Il y a aussi le personne parfois insaisissable d’Elon Musk. Un jour, il affirme qu’il n’a pas besoin de lever des fonds. Puis, deux jours, après, il change d’avis et lance une levée de fonds de 2 milliards de dollars. Etonnant, non ?
Jérôme van der Bruggen : Oui et non. Oui, car l’ascension d’Elon Musk et de Tesla s’est fait en dépit de Wall Street. N’oubliez pas que beaucoup d’investisseurs jouaient l’action Tesla à la baisse via la vente à découvert. Elon Musk n’aime pas Wall Street et les analystes financiers se sont souvent méfiés aussi de lui. Non, car il a aussi compris qu’il pouvait lever des fonds en s’adressant directement au marché. En fait, son attitude est assez similaire à celle de Donald Trump. Le président actuel se méfie – à tort ou à raison des médias classiques – et s’adresse directement à son électorat par Tweets interposés. Elon Musk fait de même mais avec des levées de fonds.
Question : et donc, votre conclusion provisoire ?
Jérôme van der Bruggen : En dépit de ces frasques, Elon Musk est un génie des affaires. Personne ne le conteste. Il a très bien compris qu’il ne peut pas lever des fonds importants auprès des investisseurs institutionnels ou auprès des banques. C’est la magie de la Bourse : elle rend possible ce genre d’histoire mais c’est vrai, elle le fait au prix d’une grande volatilité et d’une communication parfois contradictoire.
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