Nos experts suivent de près les évolutions macro-économiques et les marchés financiers.
Réserve de liquidation : intéressante pour distribuer les fonds de l'entreprise

Réserve de liquidation : intéressante pour distribuer les liquidités de la société

Adrien Biquet - Estate Planner
Depuis l’exercice d’imposition 2015, les « petites » sociétés¹ peuvent bénéficier d’un incitant fiscal permanent² appelé « réserve de liquidation ».

Ces sociétés peuvent mettre en réserve chaque année tout ou partie de leur bénéfice dans une « réserve de liquidation », moyennant le paiement immédiat d’une cotisation distincte de 10 %, calculée sur les montants « réservés ». En cas de liquidation ultérieure de la société, cette réserve de liquidation échappera à tout impôt complémentaire.

Si la société distribue la réserve de liquidation au moyen d’une distribution ordinaire de dividendes (c’est-à-dire en dehors du cas d’une liquidation), il y aura encore un précompte complémentaire réduit qui sera dû.

Le taux du précompte mobilier s’élèvera à 20 %³ si la distribution intervient dans les 5 années qui suivent la mise en réserve de liquidation. Lorsque la réserve de liquidation est distribuée après écoulement d’un délai de 5 années, seul un précompte mobilier de 5 % est dû.

Qui peut utiliser la réserve de liquidation ?

Seules les « petites » sociétés peuvent utiliser le système de la réserve de liquidation.

Une « petite société » est une société qui, à la date de bilan du dernier et de l’avant dernier exercice clôturé, ne dépasse pas plus d'une des limites suivantes :
1.
nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 50 ;
2.
chiffre d'affaires annuel (hors TVA) : 9.000.000,00 d'euros et ;
3.
total du bilan : 4.500.000,00 euros⁴ .
En d’autres termes, il est possible de dépasser un critère sans perdre la qualification de « petite société », voire dépasser deux critères pendant une année comptable (mais pas durant deux exercices). L’appréciation des critères pour déterminer si une société est une « petite société » doit être effectuée sur une base consolidée, si une société est liée à une ou plusieurs sociétés lors la période imposable au cours de laquelle la réserve de liquidation est constituée⁵ . La taille de la société au moment de la distribution de la réserve de liquidation n'est donc pas pertinente.

Attention : le fait qu'une société puisse utiliser la réserve de liquidation ne signifie pas que cela soit toujours approprié. Nous y reviendrons plus tard.

Comment fonctionne la réserve de liquidation en pratique ?

  • L'assemblée générale des actionnaires doit d’abord décider d’affecter tout ou partie du bénéfice de l’exercice à une réserve de liquidation.
  • La société crée ainsi une réserve de liquidation en transférant tout ou partie du bénéfice comptable, après retenue de l’impôt des sociétés, sur un ou plusieurs comptes de passif distincts.
  • Une déclaration complémentaire reprenant le montant de la réserve de liquidation constituée doit être jointe à la déclaration d'impôt des sociétés.
  • La création de la réserve de liquidation s'accompagne d'un prélèvement immédiat, à savoir un paiement d’une cotisation distincte de 10 %.
La société (et non les actionnaires) est le débiteur de cette cotisation distincte de 10 %. Cette cotisation distincte constitue une dépense non admise qui n’est pas déductible à l’impôt des sociétés.

Quel bénéfice est éligible à la réserve de liquidation ?

Seul le bénéfice net après impôt de l'exercice peut être affecté à la réserve de liquidation. Les réserves constituées dans le passé (les « réserves historiques ») ne sont donc pas éligibles.

Afin de déterminer le montant exact qui peut être ajouté à la réserve de liquidation, le montant du bénéfice net à affecter doit être divisé par un facteur de 1,10. En effet, la cotisation distincte de 10 % a un impact sur le résultat à affecter, il faut donc en tenir compte.
Illustrons cela par un exemple :
Supposons qu'une société a un bénéfice net à affecter de 110.000,00 euros (pour la création de la réserve de liquidation et de la cotisation distincte de 10 %). Les actionnaires veulent affecter la plus grande partie possible de ce bénéfice à la réserve de liquidation.
  • Bénefice à affecter (avant constitution de la réserve de liquidation) : 110.000,00 EUR
  • Montant maximum réserve de liquidation : 110.00,00 EUR / 1,10 = 100.000,00 EUR
  • Cotisation distincte : 100.000,00 EUR x 10 % = 10.000,00 EUR
A noter que la somme du montant de la réserve de liquidation constituée (100.000,00 euros) et de la cotisation séparée (10.000,00 euros) correspond intégralement au bénéfice à affecter de 110.000,00 euros.
La présence de pertes comptables d'exercices antérieurs n'empêche pas l'entreprise de constituer une réserve de liquidation sur les bénéfices (après impôts) de l'exercice en cours.

Veuillez noter que les pertes comptables peuvent toujours coûter cher à l'entreprise (et aux actionnaires) par la suite. En effet, ces pertes pourraient signifier que la réserve de liquidation qui a été créée ne peut pas être versée (que ce soit pendant la vie de l'entreprise ou dans le cadre de la liquidation). Si l'entreprise ne parvient pas à redresser la barre et à éliminer les pertes, la réserve de liquidation risque de perdre son utilité. En outre, la taxe distincte de 10 %, payée au moment de la constitution de la réserve de liquidation, ne peut être récupérée.

A partir de quand une distribution peut-elle être faite aux actionnaires ?
Quel est le taux du précompte mobilier lors de la distribution de la réserve de liquidation ?

La réserve de liquidation est distribuée à la suite de la liquidation de la société

  • Lors de la liquidation d'une société, l'actionnaire peut recevoir un « boni de liquidation », qui est soumis à l’impôt. Le boni de liquidation correspond à la partie du paiement de liquidation qui excède le capital effectivement libéré de la société dissoute.
  • Ce boni de liquidation est en principe soumis à un précompte mobilier de 30 %, si le bénéficiaire est une personne physique.
  • Toutefois, la partie du boni de liquidation provenant de la réserve de liquidation qui a fait l'objet d'une cotisation distincte de 10 % peut être distribuée aux actionnaires en exonération d'impôt. Dans le chef d’un actionnaire personne physique, cette distribution est considérée comme un revenu non imposable.
  • Il n'y a pas de délai entre la création de la réserve de liquidation et la liquidation de la société pour bénéficier de cette exonération. Il est donc possible de bénéficier du régime fiscal avantageux lorsque, par exemple, la société est liquidée l’année qui suit celle de la constitution de la réserve de liquidation.

La réserve de liquidation n’est pas distribuée lors de la liquidation de la société

Si la réserve de liquidation est distribuée sous forme de dividende, hors du contexte de la liquidation de la société, l'actionnaire ne peut pas bénéficier de cette exonération fiscale. Dans ce cas, un précompte mobilier est dû, dont le taux varie en fonction de la période écoulée depuis la création de la réserve de liquidation :
  • Si la période comprise entre la fin de l'exercice au cours duquel la réserve de liquidation a été créée et la date de mise en paiement du dividende est inférieure à cinq années complètes, un précompte mobilier de 20 % est dû⁶;
  • Si cette période est supérieure à cinq ans, un précompte mobilier de 5 % sera dû.
Illustrons cet avantage par un exemple :

Une société a pour l'exercice X (se terminant le 31 décembre) un bénéfice à affecter de 110.000,00 euros (avant la constitution de la réserve de liquidation et la cotisation distincte de 10 %). Les actionnaires veulent ajouter la plus grande partie possible de ce bénéfice à la réserve de liquidation.
  • Bénéfice à affecter (avant constitution de la réserve de liquidation) : 110.000,00 EUR
  • Montant maximum réserve de liquidation : 110.000,00 EUR / 1,10 = 100.000,00 EUR
  • Cotisation distincte : 100.000,00 EUR x 10% = 10.000,00EUR


Hypothèse 1 : Distribution de la réserve de liquidation à l'occasion d'une assemblée générale dans l'année (X + 5)
  • Dividende : 100.000,00 EUR
  • Précompte mobilier : 100.000,00 EUR x 20% = 20.000,00 EUR
    (distribution dans la période d’attente de 5 ans depuis le 31/12/X
  • Dividende net : 100.000,00 EUR – 20.000,00 EUR = 80.000,00 EUR
  • Pression fiscale globale: (10.000,00 EUR + 20.000,00 EUR )/110.000,00 EUR = 27,27 %
Au moment de l'assemblée générale de l'année (X + 5), la période d'acquisition des droits n'a pas encore expiré. Celle-ci n'expire que le 31 décembre de l'année (X + 5), de sorte qu'une distribution au taux plus favorable de 5% n'est possible qu'à partir du 1er janvier de l'année (X + 6).
Néanmoins, la charge fiscale globale de 27,27 % reste inférieure à la retenue à la source de 30 % normalement due sur une distribution de dividendes.


Hypothèse 2: Distribution de la réserve de liquidation à l'occasion d'une assemblée générale dans l'année (X + 6)
  • Dividende = 100.000,00 EUR
  • Précompte mobilier : 100.000,00 EUR x 5% = 5.000,00 EUR
    (distribution après la période d’attente de 5 ans depuis le 31/12/X
  • Dividende net : 100.000,00 EUR – 5.000,00 EUR = 95.000,00 EUR
  • Pression fiscale globale : (10.000,00 EUR + 5.000,00 EUR)/110.000,00 EUR = 13,64 %
La période d’attente de cinq ans, qui a débuté le 31 décembre de l'année X (c'est-à-dire le dernier jour de l'exercice X), a expiré au moment de l'assemblée générale de l'année (X + 6).

En conséquence, le taux de retenue à la source sur la distribution tombe à 5 %, ce qui se traduit par une charge fiscale globale de 13,64 %.

La distribution régulière de la réserve de liquidation : une bonne stratégie ?

La distribution d’une réserve de liquidation permet à l’actionnaire personne physique de retirer des liquidités de la société de manière fiscalement avantageuse : en tenant compte de la cotisation distincte de 10 %, due lors de la constitution de la réserve de liquidation, et du précompte complémentaire de 5 % retenu lors de la distribution – acquis après l’écoulement de la période d’attente – le taux d’imposition effectif global ne s’élève plus qu’à 13,64 %, ce qui est considérablement inférieur au tarif ordinaire de 30 % appliqué à toute distribution de dividendes.

Quelques points d’attention sont toutefois à prendre en compte :
Distribution de dividendes et double test : le fait que la société constitue des réserves de liquidation ne signifie pas nécessairement que ces liquidités peuvent être effectivement payées. En effet, le droit des sociétés impose des restrictions claires quant à la distribution de dividendes.
  • C’est ainsi que les distributions par des sociétés à responsabilité limitée (SRL) ou des sociétés coopératives (SC) ne sont autorisées par le nouveau Code des Sociétés et des Associations que si elles satisfont au test de l’actif net et au test de liquidité.
  • En résumé, la réserve de liquidation ne peut être distribuée que si (i) le paiement n'entraîne pas une baisse de l'actif net de la société en dessous d'une limite minimale et (ii) si la société peut continuer à payer ses dettes dues et exigibles pendant au moins douze mois suivant la distribution.
Investir en société : le fait que la société affecte tout ou partie de son bénéfice comptable à une réserve de liquidation ne l’empêche pas d'utiliser activement ces ressources « immobilisées » par la suite.
  • En effet, la société peut librement décider d'investir la réserve de liquidation - par exemple pendant la période d’attente, mais également après cette période - afin de générer des revenus supplémentaires. Ces revenus pourront à leur tour bénéficier du régime de la réserve de liquidation.
  • Une opportunité fiscale particulièrement intéressante à cet égard est la « SICAV-RDT ». Investir dans une SICAV-RDT (il s’agit d’un fonds d’investissement spécifique qui utilise le régime fiscal des Revenus Définitivement Taxés) – présente l'avantage que les dividendes reçus et les plus-values réalisées par la société qui investit sont presque totalement exonérés d'impôt des sociétés.

La réserve de liquidation : également avantageux pour un actionnaire société ?

  • Une (petite) société qui est à son tour détenue par d'autres sociétés (sociétés mères) ou qui a un actionnariat mixte (c'est-à-dire à la fois des sociétés et des particuliers) aura généralement moins d'intérêt à constituer une réserve de liquidation.
  • Pour l'actionnaire personne morale, le prélèvement à la source, contrairement à l'actionnaire personne physique, n'a pas d'effet libératoire. La retenue à la source s'applique effectivement à la société actionnaire en tant qu’avance sur l'impôt final des sociétés. Cela signifie qu'un dividende provenant de la réserve de liquidation dans les mains de la société actionnaire est toujours soumis à l'impôt sur les sociétés. La retenue à la source qui a été effectuée peut, en principe, être imputée sur l'impôt des sociétés (et est même, en principe, remboursable).
  • En d'autres termes, une réduction du taux de retenue à la source (par application de la réserve de liquidation) ne se traduit pas par une réduction effective de la charge fiscale sur le dividende reçu pour l'actionnaire personne morale . Notez, en outre, que dans de nombreux cas, l'actionnaire personne morale peut bénéficier d'une exonération totale de la retenue à la source et de l'impôt sur les sociétés sur le dividende, sur la base du régime dit RDT (pour autant que les conditions applicables soient remplies).
  • En revanche, l'impôt distinct de 10 %, payé lors de la constitution de la réserve de liquidation, reste définitivement dû et ne peut être imputé ou remboursé (ni par la société elle-même, ni par l'actionnaire de la société). Il s'agit d'un coût totalement inutile.
  • Les sociétés à actionnariat mixte qui souhaitent néanmoins faire un usage optimal de la réserve de liquidation peuvent envisager l'option d'une affectation asymétrique de la réserve de liquidation. Une attribution asymétrique implique que la réserve de liquidation est attribuée autant que possible aux actionnaires individuels (qui peuvent bénéficier du prélèvement libératoire au taux le plus bas), tandis que les dividendes des sociétés actionnaires sont prélevés de préférence sur les autres réserves disponibles.
  • Cette technique a depuis été testée avec succès par la Commission du ruling. Toutefois, la pratique du ruling montre que chaque cas doit être évalué individuellement. Il est donc conseillé aux entreprises qui envisagent une allocation asymétrique de demander l'aide d'un expert fiscal.

La réserve de liquidation : une opportunité ?

La question de savoir si la création d'une réserve de liquidation présente un intérêt pour une entreprise doit être examinée au cas par cas.

La création d'une réserve de liquidation sera en principe avantageuse pour l’actionnaire personne physique, puisque la distribution de cette réserve entraînera la retenue d’un précompte mobilier (libératoire) réduit, tant sur la distribution d'un dividende après cinq ans, que lors de la dissolution de la société. Même si le précompte mobilier est dû au taux de 20 % et est combiné à l'imposition séparée de 10 %, cela reste avantageux pour l’actionnaire personne physique.

Il existe cependant des situations et des circonstances dans lesquelles la création d'une réserve de liquidation peut s’avérer moins opportune :
  • Si l'entreprise subit des pertes et ne parvient pas à les éliminer (à temps), il y a de fortes chances que les réserves de liquidation accumulées ne puissent être versées (en tout ou en partie). L'actionnaire ne reçoit alors aucun dividende (ou un dividende moins élevé), et la cotisation distincte de 10 % s'avère avoir été une dépense inutile.
  • Si la société est détenue par des actionnaires personne morale (ou si une vente de la société à une autre société est envisagée), il faut également faire attention. Comme démontré ci-dessus, la réserve de liquidation n'a pas de valeur ajoutée (fiscale) pour l'actionnaire personne morale. L'évaluation séparée de 10 % - le prix de revient pour la création de la réserve de liquidation - ne sert donc à rien.
man-bicycle

Vous vous demandez comment réduire votre impact fiscal ?

Nos conseillers réfléchissent avec vous de manière proactive et vous proposent des solutions fiscalement intéressantes.
¹ Au sens de l’article 1.24 du nouveau Code des Sociétés et des Associations (anciennement art. 15 du Code des Sociétés).
² cf. art. 184 quater et 269, par. 1, 8° du Code des impôts sur les revenus.
³ Le taux est de 17 % pour les réserves de liquidation créées au plus tard au cours de l'année fiscale 2017.
⁴ Article 1 : 24 du nouveau Code des Sociétés et des Associations (ancien article 15 du Code des sociétés).
⁵ Décision anticipée n° 2017.631 du 9 octobre 2017.
⁶ Le taux est de 17 % pour les réserves de liquidation créées au plus tard au cours de l'année fiscale 2017.
Partager l'article
Plus sur ce thème:
Réglementé par l’Autorité des services et marchés financiers (FSMA) et la Banque Nationale de Belgique | Tous droits réservés 2024, Degroof Petercam