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Mandat extrajudiciaire : pensez dès aujourd’hui à demain

Ariane Joris - Head of Estate Planning
Si aujourd’hui vous disposez de toutes vos capacités pour gérer votre personne et votre patrimoine, personne malheureusement, n’a la certitude de pouvoir conserver ses pleines facultés jusqu’à la fin de ses jours. Cette réalité est d’autant plus marquée ces derniers temps avec la crise liée au Covid-19 où certaines personnes sont restées sous assistance respiratoire pendant parfois des semaines et n’étaient plus en mesure de faire quoi que ce soit.
Par conséquent, de nombreuses personnes s’inquiètent de savoir ce qu’il adviendra de leur patrimoine et de leur personne, le jour où elles ne seront plus à même de pouvoir gérer seules. Un tiers pourra t’il effectuer une donation en votre nom ? Pouvez-vous, dès aujourd’hui, décider si vous allez dans une maison de repos lorsque vous deviendrez incapable d’en décider vous-même ?
En établissant un mandat extrajudiciaire, vous pouvez dès à présent anticiper ces questions. En effet, le mandat extrajudiciaire, permet à la personne (le mandant) de désigner à l’avance une autre personne (le mandataire) pour poser les actes qu’elle souhaite, le jour où elle serait devenue incapable. Ainsi, le mandant peut dès à présent, - si la personne le souhaite - désigner une personne de confiance (le mandataire) qui gèrera ses avoirs le jour où elle ne sera plus à même de pouvoir le faire.
Une personne ‘incapable’ est une personne qui n’est plus apte à prendre certaines mesures ou décisions. Tel peut par exemple être le cas d’une personne qui à la suite d’un accident tomberait dans le coma ou qui de par son âge serait désorientée de sorte qu’elle ne serait plus capable de gérer ses avoirs et/ou sa personne.
Si une personne se trouve en situation d’incapacité, sans préalablement avoir rédigé un mandat extrajudiciaire, le juge de paix désignera un (ou plusieurs) administrateur(s) qui aidera (aideront) la personne à gérer ses biens et/ou sa personne ou qui le fera (feront) à sa place. Cette mesure de protection peut s’appliquer tant à ses biens qu’à sa personne. Dans ce cas, il appartiendra au juge de paix de décrire les actes que l’administrateur pourra accomplir. Ce dernier sera également tenu de faire au moins une fois par an un rapport au juge de paix.
Afin d’anticiper cette situation, toute personne peut par le biais du mandat extrajudiciaire déterminer les actes qui pourront être posés et par quelle personne, afin de gérer ses biens et ses avoirs en cas d’incapacité.
Il est évident que rédiger un tel mandat n’empêche aucunement la personne de continuer à gérer son patrimoine aussi longtemps qu’elle est capable.

A partir de quand le mandat extrajudiciaire peut-il être exécuté ?

Deux choix sont possibles :
  • Soit le mandat extrajudiciaire prend effet immédiat, dans ce cas, le mandataire désigné peut agir au nom de la personne (mandant) dès la signature du mandat ;
  • Soit le mandat extrajudiciaire n'entre en vigueur que lorsque la personne (le mandant) devient légalement incapable suite à l’intervention du juge de paix ou après la confirmation par un ou plusieurs médecins de l’état d’incapacité de la personne si le mandat le prévoit.

Qui nommer/choisir comme mandataire ?

Le mandant choisit librement le mandataire, voire les mandataires. En effet, on peut nommer un/des successeur(s) au premier mandataire si ce dernier ne veut ou ne peut plus accomplir sa tâche. Le(s) mandataire(s) subséquent(s) prend (prennent) la place du premier mandataire en cas d’incapacité ou de prédécès du premier mandataire, par exemple.
Il est de coutume de voir le conjoint ou le cohabitant comme mandataire. Ensuite, viennent souvent en second rang, les enfants comme mandataires successifs. Le mandataire ne doit pas nécessairement être un membre de la famille. Vous pouvez désigner un tiers, comme par exemple un avocat.
Le mandataire sera tenu d’agir au nom de la personne, conformément aux instructions qu’elle aura stipulées dans le mandat. Le mandataire devra agir de bonne foi et devra toujours faire passer les intérêts du mandant en premier.

Où conserver le mandat extrajudiciaire ?

Pour s’assurer que le mandat extrajudiciaire reste valable après la mise sous statut d’incapacité du mandant, il doit nécessairement être inscrit dans le registre spécial tenu par la Fédération du notariat belge.
Si tel n’a pas été le cas, il cessera d’exister dès le moment où le mandant deviendra incapable. En effet, tous les mandats "ordinaires" sont considérés comme nuls dès l’incapacité du mandant. Comme, par exemple, des procurations bancaires que la personne aurait accordées.

Quels sont les pouvoirs du mandataire ?

Il est important de décrire avec précision les pouvoirs du/des mandataire(s) dans le mandat extrajudiciaire. Les actes suivants peuvent être visés :
  • Le mandataire peut-il effectuer des actes de gestion journalière ou peut-il également aliéner, céder ou disposer des biens du mandant ?
  • Le mandataire peut-il effectuer des actes sur des biens spécifiques (par exemple un portefeuille-titres), ou sur une partie du patrimoine du mandant, ou peut-il poser des actes sur l’ensemble des avoirs du mandant?
  • Quels sont les pouvoirs bancaires accordés au mandataire ?
  • Des directives précises doivent-elle être respectées dans la gestion des biens, telles que la possibilité d'investir ou non dans des fonds d'investissement présentant un certain profil de risque, la possibilité de vendre des actifs ou non ?
  • Le mandataire peut-il également poser certains actes dans le cadre d’une planification successorale, comme par exemple la modification du contrat de mariage ?
  • Le mandataire peut-il consentir une donation en faveur de personnes spécifiques mentionnées dans le mandat extrajudiciaire ? Dans ce cas, il est conseillé de décrire la (les) donation(s) le plus précisément possible (à qui la donation peut-être consentie ? quels biens peuvent-être donnés ? quelles sont les conditions/charges liées à cette/ces donation(s) ?) etc.).
On peut également, dans le mandat extrajudiciaire, étendre les pouvoirs du mandataire à certains actes concernant la personne même. On entend entre autres, par actes relatifs à la personne :
  • Le choix du lieu de résidence ultérieure, par exemple un déménagement vers un lieu plus adapté, résidence « appart-services », établissements de soins ou maisons de repos particulières, etc.) ;
  • La possibilité d’accéder au domicile et autre lieu de résidence du mandant, d'y prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires, d'y effectuer (ou de faire effectuer) tous les travaux de réparation et d'entretien et d'y autoriser l'accès à des tiers à cet égard ;
  • Le choix du médecin traitant, du personnel soignant à domicile et l'exercice des droits du patient; à cet égard, les dispositions spécifiques reprises dans la loi qui traite en particulier des droits des patients doivent être respectées.
  • Si la demande et la procédure en ce qui concerne l'euthanasie ou la non-réanimation a déjà été formalisée par la personne (le mandant), le mandataire s’il est autorisé à le faire en vertu du mandat extrajudiciaire, pourra en demander l’exécution.
Cependant, on ne peut pas, dans le mandat extrajudiciaire charger le mandataire d’introduire une telle demande au nom de la personne mandante. Le mandataire ne peut pas non plus exercer les droits politiques de la personne.

Faut-il l’intervention d’un notaire ?

Le mandat extrajudiciaire se doit d’être établi par écrit. Il n'est pas possible de donner un mandat extrajudiciaire verbal.
Le mandat extrajudiciaire doit, par ailleurs, revêtir la forme notariée si le mandat comporte des actes nécessitant l'intervention d'un notaire, tels que l'achat et/ou la vente de biens immobiliers, la modification du contrat de mariage, ou une donation authentique.
Dans ce cas, le notaire s'occupera également de l'inscription du mandat extrajudiciaire dans le registre spécial tenu par la Fédération du notariat belge.
Si le mandat extrajudiciaire ne mentionne pas d’actes nécessitant l'intervention d'un notaire, le mandat extrajudiciaire pourra être établi sous seing privé. Dans ce cas, il est important que vous enregistriez vous-même le mandat auprès du registre central des contrats de mandat via le greffe de la Justice de Paix.

Quelle relation entre le mandant et le mandataire ?

La personne désignée comme mandataire est tenue de vous impliquer, vous, le mandant, autant que possible dans l'exécution de sa mission, en fonction des capacités de compréhension de ce dernier.
Selon la loi, le mandataire doit, au moins une fois par an, rendre un rapport de sa gestion au mandant.
Cependant, la loi ne prévoit pas de contrôle quant au respect de cette coopération obligatoire. C’est pourquoi il est recommandé de désigner une personne de confiance en plus du mandataire. Cette coopération peut également avoir lieu entre le mandataire et la personne de confiance désignée par le mandant.

Dans quelles situations le juge de paix doit-il intervenir ?

Le juge de paix veille au bon respect du mandat extrajudiciaire.
Toute partie intéressée peut s'adresser au juge de paix si le mandataire n'exécute pas correctement les dispositions stipulées dans le mandat extrajudiciaire ou si ce dernier n'agit pas dans l'intérêt du mandant.
Le cas échéant, le juge de paix pourra ordonner une mesure de protection judiciaire qui met fin à tout ou partie du mandat extrajudiciaire ou qui ajoute une mesure de protection supplémentaire au mandat extrajudiciaire existant.

Peut-on apporter des modifications au mandat extrajudiciaire ?

Un mandat étant révocable à tout moment, tant que la personne (mandant) est capable, on peut choisir un autre mandataire, modifier les pouvoirs conférés au mandataire ainsi que les directives éventuelles auxquelles il doit se conformer. Toute modification doit être consignée dans le registre spécial tenu par la Fédération du notariat belge.

Application du mandat en cas de déménagement (ultérieur) à l’étranger ?

Si vous envisagez de déménager à l’étranger, il convient de se pencher sur les conséquences (éventuelles) relatives à l’application de votre mandat. Il n’est pas (toujours) certain que ce mandat extrajudiciaire sera accepté et exécuté à l’étranger où vous aurez élu domicile.
La Convention de La Haye qui a trait à la protection internationale des adultes (ci-après dénommée la "Convention"), est entrée en vigueur en Belgique le 1er janvier 2021 et prévoit ce qui suit :
  • Si vous déménagez vers un pays où cette Convention a été ratifiée et que votre mandat extrajudiciaire a été établi en Belgique avant votre déménagement, le droit belge reste applicable. Vous ne devez donc pas vous en inquiéter.
Les pays suivants ont déjà ratifié la Convention : la France, l’Allemagne, la Suisse, le Portugal et Monaco.
  • Si par contre vous déménagez vers un pays qui n’a pas encore ratifié la Convention (comme par exemple l’Espagne), il conviendra d’analyser l’impact de votre déménagement sur votre mandat extrajudiciaire en fonction du droit applicable dans le pays de votre nouveau domicile.
A l’inverse, un mandat extrajudiciaire établi à l’étranger est également reconnu en Belgique.

Peut-on opter pour l’application d’un droit étranger dans le mandat extrajudiciaire ?

Depuis l’entrée en vigueur de la Convention en Belgique le 1er janvier 2021, vous avez la possibilité de désigner la loi applicable (appelé le choix de loi) dans votre mandat extrajudiciaire. Ce droit régira alors l’existence, l’étendue, la modification et l’extinction des pouvoirs alloués au mandataire.
Le choix de loi n’est pas totalement libre. En effet, le mandant ne peut opter que pour
  • la loi de sa nationalité, (ii)
  • la loi de sa précédente résidence habituelle, (iii)
  • la loi du lieu où est situé (une partie) des biens du mandant, étant entendu que le choix de loi ne s’appliquera alors qu’à cette partie du patrimoine du mandant.
A titre d’exemple : un résident belge de nationalité néerlandaise souhaite établir un mandat extrajudiciaire en Belgique. Dans ce mandat, celui-ci peut choisir d’insérer un choix de loi en faveur du droit néerlandais (même si la Convention n’est pas encore entrée en vigueur aux Pays-Bas). Si le belgo-néerlandais détient, par ailleurs, des avoirs en France, celui-ci peut (en plus de son choix de loi général en faveur du droit néerlandais) opter pour le droit français pour cette partie de ses avoirs.
Avant d’effectuer un choix de loi, nous vous conseillons de vous renseigner sur le droit applicable à l’étranger. Ainsi, vous pourrez être rassuré du fait que votre mandat extrajudiciaire puisse être effectivement reconnu et exécuté conformément au droit étranger.
Un choix de loi n’est pas présumé et doit donc être explicitement mentionné dans le mandat. Les choix de loi mentionnés dans les mandats extrajudiciaires avant le 1er janvier 2021 ne sont pas valables et devront dès lors être rédigés à nouveau. Si vous avez déjà établi un mandat extrajudiciaire et que vous souhaitez opter pour un choix de loi, il conviendra de faire adapter votre mandat chez votre notaire.

Quand le mandat extrajudiciaire prend-il fin ?

Le mandat extrajudiciaire prend fin dans les cas suivants:
  • Le mandant révoque le mandat extrajudiciaire. La personne peut à tout moment révoquer le mandat extrajudiciaire à condition de ne pas être frappé d’incapacité et qu'aucune mesure de protection judiciaire n'ait été prise à son égard. Le fait qu’une entrée en vigueur du mandat soit immédiate (et donc déjà en vigueur) n’enlève pas le droit au mandant de révoquer ce même mandat.
  • Le décès du mandant.
  • Le mandataire décède, ne semble plus à même d'accomplir sa tâche, ou renonce au mandat extrajudiciaire. Dans ces cas, s’il n'est pas prévu de second mandataire dans le mandat extrajudiciaire, et que le mandant est déclaré incapable à ce moment-là, le juge de paix nommera, au besoin, un successeur.
  • Le juge de paix met fin au mandat extrajudiciaire.

Conclusion

Le mandat extrajudiciaire offre une solution appropriée pour la gestion du patrimoine ainsi que des actes relatifs à la personne en cas d'incapacité.
Il appartient à chacun de choisir de rédiger ou non un mandat extrajudiciaire et de désigner, le cas échéant, la personne qui agira en son nom et pour son compte.
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