Vous êtes assez critique sur les livres de développement personnel qui pullulent un peu partout car vous les trouvez… impersonnels. Selon vous, ils appliquent des principes qui sont valables pour tous et nient notre singularité. En quoi sont-ils vides de sens ? Comment expliquez-vous leur succès actuel ?
Beaucoup de ces gens qui écrivent ces livres ne sont pas forcément psychologues, psychanalystes, ils n’ont pas forcément une formation très solide. Si j’ai besoin de me faire opérer du genou, je ne vois pas pourquoi j’irais voir quelqu’un qui a fait trois mois d’études. Je préfère voir un spécialiste qui a fait dix ans d’études et vingt ans d’expérience ! C’est plus facile d’aller voir quelqu’un qui n’a pas une autorité scientifique, mais c’est plus risqué. Le langage utilisé dans le développement personnel est très simple. Il n’y a pas d’effort à faire, c’est facile. A nouveau, il y a une sorte d’égalité, de mimétisme. Ça se veut libérateur, mais c’est souvent liberticide : on vous dit comment vous comporter, comment réagir, on vous donne des recettes comportementales, des balises qui sont parfois assez étriquées et qui vous enferment plus qu’elles ne vous libèrent. Lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables, c’est facile de tomber dans le piège de ces coaches qui surfent sur la souffrance des autres.
Quel est votre avis sur la séparation vie professionnelle/vie privée ? Et là aussi, en quoi est-ce que le télétravail a changé les cartes et a fait disparaître la frontière entre les deux ?
Je n’y ai jamais vraiment cru, car c’est oublier toute la dimension holistique et globale de l’individu et de la vie. On est un et on ne peut pas compartimenter les choses de façon très nette. Et le télétravail accentue ce téléscopage des sphères. On l’a vu lors du premier confinement, on était tout à la fois : parent, enseignant, femme de ménage, cuisinier, employé. Penser qu’on peut séparer vie pro et vie perso, c’est un artifice de la pensée. Il suffit d’un grain de sable dans l’une pour se rendre compte du téléscopage des genres.
Quelles qualités feront la différence pour les jeunes qui se lancent sur le marché du travail ?
Je n’ai pas de conseil, mais plutôt une conviction : écouter son propre désir et choisir la voie que l’on souhaite profondément. Ce n’est pas si évident. Pouvoir enlever les couches de normes qui paralysent parfois, qui congestionnent l’esprit et qui font qu’on peut passer une vie à côté de la sienne. Avoir le courage d’être soi. Ça ne va pas de soi d’être soi et d’être authentique.