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Coronavirus : les mesures de soutien aux entreprises

Jérôme van der Bruggen - Chief Investment Officer
Le coronavirus affecte les entreprises au cœur de leurs activités. Suite au choc économique de la crise, les gouvernements et les banques centrales prennent les mesures de soutien nécessaires pour fournir du crédit et des liquidités. Découvrez les mesures de soutien apportées aux entreprises.
La feuille de route suivie par les autorités dans la gestion de la crise sanitaire se calque sur les mesures prises en Chine où la ville de Wuhan fut la première touchée par l’épidémie dès fin décembre 2019. S’il apparaît de plus en plus clairement que le choc économique de la crise sera violent – sans précédent dans l’histoire industrielle – la réponse politique qui y est apportée est, elle aussi, sans précédent. Jamais, en temps de paix, une telle batterie de mesures sociales, monétaires et budgétaires n’a été adoptée en même temps comme l’illustre l’ampleur du plan américain de relance budgétaire de USD 2.000 milliards.
Selon cette feuille de route, les organismes de santé publique, les gouvernements et les banques centrales travaillent de concert dans leur réponse à la crise, afin de minimiser l’impact de la pandémie sur l’économie. Lors de notre publication du 19 mars, nous parlions des trois temps de cette réponse : (1) la distanciation sociale ; (2) l’apport de liquidités et (3) l’Etat-providence. Dans cette publication, nous nous concentrons sur son impact sur le crédit et sur les marchés de la dette des entreprises.

Caractéristiques

Une des particularités de la crise est qu’elle intervient à un moment où la dette mondiale est élevée. Une récente étude de l’Institute of International Finance (IIF) l’a chiffrée à USD 253.000 milliards, soit 322 % du PIB mondial (IIF, Sep 2019). 70% de cette dette – soit USD 180.000 milliards – est contractée dans les pays développés, dont USD 43.000 milliards par des entreprises.
Dès le début du déclenchement de la crise s’est posée la question du soutien à apporter aux entreprises alors que les mesures de distanciation sociale viennent les toucher au coeur de leur activité. Pas question de les laisser manquer à leurs engagements à cause d’un manque de trésorerie occasionné par la perte temporaire d’activité liée au confinement. Partout dans le monde, ce soutien aux entreprises est déployé à travers l’arsenal de mesures de liquidité apportées par les banques centrales, de concert avec les gouvernements.

Banque centrale européenne

A cet égard, les mesures introduites par la BCE sont caractéristiques : non seulement les montants de liquidité sont importants, mais les mesures forment un ensemble complet qui traite l’ensemble de la problématique. Ce déploiement indique que les outils déployés lors de la crise financière de 2008 sont réutilisés aujourd’hui. Trois fronts sont engagés :

1. Possibilité offerte aux banques commerciales de refinancer leurs prêts aux entreprises, à des conditions très favorables, auprès de la Banque centrale.

Ce refinancement s’organise dans le cadre de gigantesques opérations appelées (T)LTRO1 dont le but est de garantir le maintien du crédit aux entreprises. Le volume total de refinancement possible dans le cadre de ces opérations s’élève à près de EUR 3.000 milliards. Dans le cadre de ces opérations, les banques seront autorisées à financer jusqu’à 50 % de leur stock de prêts aux entreprises2 directement auprès de la Banque centrale. En fixant le taux d'emprunt minimum à 25 points de base en dessous du taux d'intérêt moyen de la facilité de dépôt, la BCE réduit effectivement le coût de financement de l'économie sans réduction généralisée de ses principaux taux directeurs.

2. Assouplissement réglementaire : flexibilité dans le traitement des prêts aux entreprises en difficulté, allègement des besoins en fonds propres et report des dates butoirs réglementaires.

Les prêts aux entreprises jouissant d’une garantie publique3 bénéficieront d'un traitement préférentiel s'ils deviennent non performants (PNP4) et les banques pourront leur appliquer un taux de couverture5 de 0 % pendant minimum sept ans. Par ailleurs, les régulateurs seront flexibles dans la mise en oeuvre de stratégies de réduction des PNP6.
La BCE fait aussi temporairement preuve de flexibilité dans l’interprétation des mesures réglementant les besoins en fonds propres des banques. Cette flexibilité résultera en un allègement de ces besoins en fonds propres équivalant à EUR 120 milliards. On estime que cette mesure permettra d’absorber des pertes ou potentiellement financer jusqu'à EUR 1.800 milliards de prêts. Cette estimation ne tient pas compte des effets bénéfiques de l’assouplissement du traitement de prêts bénéficiant de garanties publiques décrites ci-dessus.
Enfin, elle introduit des mesures de secours opérationnel et en particulier permet le report des dates butoirs d’implémentation réglementaire permettant aux banques de se concentrer sur l’essentiel aujourd’hui : maintenir le flux de crédit aux entreprises.

3. Intervention dans les marchés en achetant des obligations

La BCE procédait depuis fin 2019 à des achats de dette à hauteur de EUR 20 milliards par mois. Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, elle a procédé à deux augmentations successives de ses programmes d’achats : la première le 12 mars pour un montant total de EUR 120 milliards de plus, la seconde le 18 mars pour un montant total de EUR 750 milliards de plus. Tous ces achats (soit presque EUR 1.000 milliards) seront effectués avant la fin de l’année. Ils porteront aussi bien sur de la dette gouvernementale que sur de la dette d’entreprises non-financières. Nous estimons que les achats de dettes d’entreprises pourraient être de EUR 7 à 11 milliards d'euros par mois. La taille du marché de la dette d’entreprises de qualité et non-financières se situe autour des EUR 1.400 milliards.

Réaction du marché

Ces mesures ont un impact considérable sur les marchés financiers. Le marché de la dette aux entreprises s’est tendu depuis le déclenchement de la crise et les spreads7 ont dépassé le niveau atteint lors de la crise de 2015-20168. Cependant, dès que les premiers effets des mesures se sont fait sentir, les spreads se sont stabilisés.
1 (Targeted) longer-term refinancing operations.
2 50 % du stock de prêts éligibles au 28 février 2019.
3 Par exemple dans le cadre du régime de garantie à hauteur de EUR 50 milliards annoncé par le gouvernement fédéral en Belgique pour les entreprises non financières et les indépendants viables.
4 PNP : prêts non-performants.
5 Ou ratio de fonds propres, c’est-à-dire la proportion financée par des fonds propres.
6 Par exemple grâce à un allégement fiscal en cas de vente du portefeuille de PNP.
7 Le « spread » est la prime de rendement offerte par des obligations considérées « à risque » par rapport aux obligations « sans risque » émises par des autorités de référence. On parle par exemple du « spread » offert par des obligations émises par des pays périphériques de la zone euro ou du « spread » des obligations d’entreprises.
8 2015-2016 : la hausse du dollar et le ralentissement chinois créent des tensions monétaires et font chuter le cours du pétrole. Le marché de la dette aux entreprises en avait été fortement impacté.
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